Avec Surprise Parti, la jeune autrice Faustine Noguès nous embarque dans une épopée politico-burlesque ; l’histoire vraie de Jon Gnarr, comédien humoriste punk qui crée le Meilleur parti et remporte à la surprise générale, les élections municipales de Reykjavik en 2010.
Sur scène, quatre pupitres lumineux accueillent les candidats aux élections municipales de Reykjavik à peine deux ans après le krach boursier qui a mis l’Islande à genoux. Tous les codes du débat politique sont réunis : hommes en costume, femmes en tailleur, mines sérieuses et concentrées. Dans un temps de parole limité, chacun se lance dans la présentation de son programme. Premier effet : au fil des prises de paroles, le spectateur prend conscience que chaque discours s’appuie sur un choix de mots qui commencent tous par la même lettre. Pour un des candidats, c’est le F :
“Je frapperai férocement la finance, cette fiction qui flatte les fortunés, fabrique du fantasme et forge des frontières. Je suis formel, la finance nous fragilise tous, elle nous flétrie, elle nous fragmente là où nous devons faire front”. Pour le trublion Jon Gnarr qui rentre dans l’arène, ce sera le G comme gratuité. Il conclut : “Nous, gouverneurs sans galon, faites gagner mon génie galvanisant contre ce gratin glacial, grinçant et grandissant qui gâte les germes d’une gaieté glorieuse."
Le ton est donné : mêlant avec talent la fiction à la réalité, Faustine Noguès met en scène une parole politique qui tourne à vide, une classe politique qui s’enferme dans des règles formelles qui l’isolent. Face à ce spectacle, la figure de Jon Gnarr, interprété par Damien Sobiera toujours en mouvement, utilise l’humour, la couleur, décale le discours, s’affranchit des codes.
Passée la surprise de l’élection, le nouveau maire se confronte à l’exercice du pouvoir. L’heure des alliances politiques et des décisions d’austérité a sonné, et confrontée à la gestion d’une ville de 120 000 habitants, la figure de Jon Gnarr se dilue un peu. Les blagues sont remisées quand il s’agit d’annoncer le plan de redressement de la société locale d’électricité et le discours devient plus lisse. La pièce s’achève sur le retrait de Jon Gnarr qui, fidèle à ses engagements, ne se représente pas aux élections. Faustine Noguès ne s’attarde pas, et c’est dommage, sur la parole intérieure de celui qui vit cette expérience de dirigeant politique. Elle préfère souligner la sincérité et le décalage formel du maire punk et de son équipe dans leur conduite des affaires publiques. Le spectacle n'en demeure pas moins une réussite : drôle, enlevé, servi par six jeunes comédiens vifs et précis, qui virevoltent pour faire vivre en une heure trente, une utopie burlesque.
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