Après An Irish story, seul-en-scène dans lequel Kelly Rivière partait à la recherche de son grand-père irlandais, l'autrice revient avec Si tu t'en vas, un spectacle vif et percutant qui rend un bel hommage au métier d’enseignant et à la jeunesse.
La première du spectacle, le 4 novembre, s’est déroulée le jour d’ouverture du procès des assassins de Samuel Paty remarque Kelly Rivière, l’auteure de Si tu t’en vas, spectacle commandé et mis en scène par Philippe Baronnet. Troublante coïncidence pour une pièce consacrée à la relation entre Nathan, un lycéen de terminale et Madame Ogier, une de ses professeurs, alors que ce dernier veut quitter l’école pour se lancer dans le commerce en ligne de baskets.
Ce huis clos, solidement construit, débute sur une série de courtes interviews filmées de jeunes de terminale et de professeurs sur leurs positions réciproques et leurs relations. Une mise en bouche intelligente qui permet au spectateur de s’immerger dans le contexte de la pièce. Une fois passé ce prologue, on entre dans le vif du sujet : Nathan veut quitter le lycée et sa médiocrité pour créer un business lucratif et prometteur de revente de sneakers. Le jeune homme, ambitieux et odieux, passe en revue tous les poncifs attachés au métier d’enseignant : longues vacances, salaire misérable, droit de grève. A quoi bon continuer le lycée alors qu’il gagne déjà mieux sa vie que son professeur ? Pourquoi rester à la ferme familiale qui épuise son père et n’offre aucun avenir ?
Des archétypes à l'intimité
D’emblée, Kelly Rivière crée sur scène les archétypes du prof et de l’élève de 17 ans. Ce choix intelligent fait réfléchir sur la place de l’école aujourd’hui dans une société toujours plus productiviste, sur le sens de la réussite et la place du travail. Puis la pièce bascule et prend une nouvelle tournure, il ne s’agit plus d'une confrontation entre un maître et son élève mais celle de deux individus qui expriment leur vision du monde tout en dévoilant leurs failles et leurs blessures intimes. A travers elles, Kelly Rivière éclaire d’une autre couleur la relation entre Madame Ogier, qui regrette de ne pas avoir eu d’enfant et Nathan, qui n’a plus de mère.
Ce lien intime, matérialisé par de jolis lapsus, participe à l'intensité du spectacle et crée un bel effet de suspens qui nous tient jusqu'au dénouement de cette rencontre poignante.
Texte de Kelly Rivière, commande de la compagnie Les Échappés Vifs
Mise en scène Philippe Baronnet
Avec Pierre Bidard et Kelly Rivière
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